Causerie électorale : les élections anticipées en France et au Sénégal en 2024

Compte-rendu de la causerie du 17 avril 2025

Une administration électorale doit toujours être prête à tenir des élections. Même si les dates sont généralement prévisibles, des élections anticipées peuvent survenir dans certaines circonstances. Il y en a eu en France et au Sénégal en 2024.

Le 17 avril 2025, 35 participantes et participants d’une quinzaine de pays se sont réunis pour participer à la deuxième causerie électorale de l’année afin d’entendre les expériences de ces deux OGE membres du RECEF qui ont dû organiser des élections anticipées dans leur pays.

L’expérience du Sénégal

M. Biram Sène, directeur général des élections du Sénégal, a expliqué le contexte politique entourant les élections législatives sénégalaises initialement prévues en 2027. À la suite de sa victoire lors de l’élection présidentielle du 24 mars 2024, le président de la République sénégalaise, Bassirou Diomaye Faye, devait cohabiter avec les partis d’opposition, qui étaient majoritaires au parlement. Dans l’espoir d’obtenir une majorité, il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale le 12 septembre et de convoquer les électeurs et les électrices dans le cadre d’élections législatives anticipées le 17 novembre de la même année.

Les principaux défis à relever

Adaptation du cadre juridique

Dans le contexte des élections anticipées, les textes législatifs (la Constitution et le Code électoral) ont été adaptés, notamment pour prévoir des délais pour la révision exceptionnelle du fichier électoral et pour adapter les cautions des candidates et candidats. Le Conseil constitutionnel a donné un avis au président de la République pour l’orienter dans les modifications à apporter.

Enjeux de temps et de logistique électorale

Les candidatures ont été nombreuses lors de ces élections législatives : il y avait quelque 41 listes de partis politiques. Dans un délai très court, il fallait prévoir l’impression des bulletins de vote multiples des 41 listes candidates. Cette démarche a nécessité un grand volume de papier et la contribution de nombreux imprimeurs. Une coordination minutieuse a permis de mener à bien ce défi logistique.

Communication et formation

Lorsque la désinformation circule, c’est difficile de la contenir ou de la rectifier; il vaut donc mieux la prévenir. Toute action de l’OGE gagne à être communiquée aux acteurs politiques et à la population. En effet, la communication proactive peut contribuer à prévenir la désinformation et à augmenter le sentiment de confiance.

Comme lors de la majorité des élections, l’OGE a dû prévenir la désinformation potentielle. Dans ce contexte, la Direction générale des élections a renouvelé l’information sur son site Web. Dans un esprit de transparence et de vulgarisation, elle a diffusé de l’information sur l’évolution des préparatifs et sur le déploiement des opérations électorales. Elle s’est imposée comme une source fiable et proactive de renseignements sur le processus électoral.

Par exemple, elle a développé un service Web pour vérifier l’inscription sur la liste électorale, ce qui a facilité les démarches des électrices et des électeurs et favorisé la transparence pour les acteurs électoraux.

Des formations ont été offertes aux acteurs politiques et aux journalistes, au fil de la période électorale, afin de leur expliquer les étapes de l’élection et de faciliter la circulation d’information véridique.

Bilan des élections législatives

Le défi a été relevé, malgré les délais serrés. L’expérience et l’expertise des différentes institutions associées à la gestion des élections au Sénégal, comme le Conseil constitutionnel, la Commission électorale nationale autonome, la Direction générale de l’administration territoriale et la Direction générale des élections, ont permis d’organiser ces élections anticipées avec professionnalisme et dans un climat de confiance.

La culture du dialogue est institutionnalisée depuis de nombreuses années au Sénégal. En effet, les parties prenantes sont invitées, périodiquement, à discuter des enjeux électoraux et à trouver des accords politiques qui se matérialisent par la suite dans la législation électorale. Cette culture du dialogue permanent contribue grandement à la confiance envers les institutions démocratiques.

La maturité démocratique du peuple sénégalais, de la société civile et de la presse a également contribué au bon déroulement de ces élections importantes.

Innovations potentielles

Les nombreuses candidatures et le temps comprimé ont représenté des défis pour l’impression des bulletins de vote multiples.

Le Sénégal pourrait songer à s’inspirer d’autres pays et analyser la possibilité d’adopter un bulletin de vote unique comprenant toutes les candidatures. Cela réduirait considérablement les défis d’impression, les coûts et la quantité de papier.

Toutefois, pour aller plus loin, par exemple pour instaurer le vote par Internet, le Sénégal devra prendre son temps. Il y a encore des difficultés d’accès à Internet sur l’ensemble du territoire national et l’utilisation de technologies de vote entraîne de nouveaux enjeux, notamment de confiance.

L’expérience de la France

M. Alex Gadré, chef du Bureau des élections politiques au ministère de l’Intérieur de France, a d’abord présenté le contexte politique précédant les élections anticipées. Initialement prévues en 2027, les élections législatives françaises ont eu lieu en 2024. Le 9 juin 2024, le jour de l’annonce des résultats des élections européennes, le président de la République française, Emmanuel Macron, a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Le premier tour des élections législatives s’est tenu les 29 et 30 juin 2024; et le deuxième tour s’est tenu les 6 et 7 juillet 2024. Ainsi, le Bureau des élections politiques du ministère de l’Intérieur venait à peine de terminer les élections européennes qu’il devait tenir les deux tours des élections législatives, à peine trois semaines plus tard.

Une course contre la montre

Comme au Sénégal, les délais étaient serrés, même s’ils sont prévus dans la Constitution française. L’article 12 prévoit de 20 à 40 jours pour l’organisation d’élections législatives après la dissolution de l’Assemblée nationale. Généralement, cependant, la dissolution est prévisible, ce qui permet d’effectuer du travail avant qu’elle survienne.

Lors des élections anticipées de 2024, l’État n’a eu que 21 jours pour organiser les deux tours des élections législatives dans les quelque 577 circonscriptions de la France, dans les différents territoires d’outre-mer et pour les Françaises et Français vivant à l’étranger.

L’adaptation du cadre juridique en fonction du temps comprimé

Comme au Sénégal, le cadre juridique a été adapté afin de comprimer quelques délais étant donné le contexte des élections anticipées. Par exemple, les délais pour déposer les candidatures ont été réduits à une semaine et la campagne a été réduite à deux semaines.

Le système électoral de France est en partie déconcentré et décentralisé. Il repose sur la participation de nombreuses institutions et sur les membres du personnel partout sur le territoire, notamment dans les préfectures. Des directives ont été prises pour annuler les vacances et pour mobiliser le personnel afin d’assurer la bonne réussite des élections.

Il y a également eu des enjeux d’impression et de distribution de la documentation, notamment de la propagande électorale ainsi que des programmes des candidates et candidats aux élections, qui sont distribués sur papier au domicile des électrices et des électeurs.

Les principaux enseignements de ces élections

Le premier constat de ces élections est que le nouveau contexte politique entraîne une instabilité potentielle et réduit la prévisibilité pour la gestion des élections. La tenue de ces élections anticipées a entraîné un changement de philosophie au sein du Bureau des élections politiques du ministère de l’Intérieur. Il est désormais essentiel de prendre les mesures nécessaires pour prévoir toute éventualité.

Le Bureau des élections politiques compte notamment se doter de plans de contingence, rédiger des décrets en avance de phase et préparer des scénarios de calendriers électoraux.

Une élection réalisée grâce à des services publics mobilisés

Ces élections ont entraîné d’importants défis en matière de ressources humaines. La mobilisation du personnel de différents services publics a été sans précédent. C’était une expérience marquante pour de nombreuses personnes.

Au sein du Bureau des élections politiques et dans d’autres secteurs, des personnes ont travaillé sans congé, sans relâche, de jour comme de nuit pour assurer la réussite de ces élections législatives anticipées.

Ce furent donc des élections historiques sous plusieurs aspects.

Dernière mise à jour : 21 mai 2025